Lettres d’information de l’Atelier du Livre d’art et de l’Estampe
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Lettre d’information n°10

C’est avec plaisir que nous vous retrouvons après plusieurs mois de silence dus à la crise sanitaire et à ses conséquences dramatiques sur les différents événements et expositions qui ont été reportés voire annulés et sont encore en cours de programmation. Les dates mentionnées dans cette Lettre nous ont été communiquées par les organisateurs mais dépendent, rappelons-le, des futures décisions gouvernementales. Il est donc prudent de vous renseigner avant de vous rendre aux expositions et rendez-vous proposés dans cette Lettre.

Vous constaterez que l’actualité de notre 10e Lettre d’information est fort riche : nous vous encourageons à la lire intégralement. Vous y apprendrez sans aucun doute nombre d’informations liées à notre atelier du Livre d’art mais aussi à l’actualité de la typographie.

Pour en savoir plus sur les activités de l’atelier du Livre d’art et son patrimoine typographique, soutenu par IN Groupe / Imprimerie nationale dont il est une branche essentielle, nous vous encourageons à consulter régulièrement notre nouveau site internet : L'Atelier du Livre d'art



Journées européennes des métiers d’art : « Matières à l’œuvre »

Dans le cadre des Journées européennes des métiers d’art et du patrimoine vivant qui s’inscrit dans une programmation nationale de milliers d’événements et de rencontres dans des ateliers d’art et autres sites culturels et patrimoniaux (6-11 avril), l’Institut National des Métiers d’Art organise, en partenariat avec le Mobilier de France, une exposition-événement intitulée « Matières à l’œuvre – matière à penser, manière de faire ». Celle-ci se déroule jusqu’au 9 mai (avec prolongation possible jusqu’au 23 mai) dans la magnifique Galerie des Gobelins dans le 13e arrondissement de Paris. Les matières comme sources et ressources des métiers d’art seront au centre de cette exposition dont la vocation est de faire découvrir au public la dimension contemporaine des métiers d’art et du patrimoine vivant, de sensibiliser les plus jeunes à la formation et à la transmission de ces savoir-faire exceptionnels, enfin de souligner l’importance économique et sociétale de ce secteur. Plusieurs travaux de maîtres d’art seront à cette occasion exposés dont deux œuvres de Nelly Gable, maître d’art et graveur de poinçons honoraire de l’atelier du Livre d’art de l’Imprimerie nationale : un majestueux poinçon en acier de corps 36 gravé d’après une calligraphie japonaise signifiant Imprimer, et une création originale Haute voltige des signes mettant en valeur trois techniques de fonte de caractères (fonte traditionnelle, Monotype et Linotype) ainsi que 24 écritures orientales et extrême-orientales de toutes époques frappées sur le cuivre de cette œuvre à l’aide de 105 poinçons en acier en vue d’obtenir un véritable jeu typographique. Connaissance des arts a publié un tiré à part de l’exposition disponible sous forme numérique sur www.institut-metiersdart.org


Édition limitée - Vollard, Petiet et l'estampe de maîtres

Au programme du Petit Palais à Paris ce printemps (les dates sont encore incertaines à l’heure où nous rédigeons cette Lettre d’information), cette exposition consacrée à l’édition d’estampes et de livres de peintre, réunit autour de la figure d'Ambroise Vollard et de son successeur Henri Petiet des œuvres de Bonnard, Picasso, Maillol, Redon, Chagall...
Figure hors norme du marché de l’art au tournant du siècle, Ambroise Vollard (1866‑1939) se distingua par son audace qui le fit soutenir des artistes modernes comme Cézanne, Gauguin ou encore le jeune Picasso et Rouault. Avec cette exposition, le Petit Palais a choisi de se concentrer sur son rôle capital dans le domaine spécifique de l’édition d’estampes et de livres illustrés. Bénéficiaire de nombreux dons et legs de Vollard lui‑même, et de ses héritiers, le Petit Palais met en valeur cet ensemble exceptionnel d’estampes, enrichi de nombreux prêts d’autres institutions et collections, dont celles de l’Imprimerie nationale qui a pour l’occasion mis à la disposition du Petit Palais poinçons et matrices typographiques, un pupitre de compositeur provenant de la Fonderie Deberny-Peignot, un exemplaire des Fables de la Fontaine illustrées par Chagall, une grande huile sur toile représentant la grande rotative de l’Imprimerie nationale en 1902 avec son directeur de l’époque, Arthur Christian que Vollard a rencontré lors d’une visite de l’établissement à l’issue de laquelle le marchand décida de se lancer dans l’édition d’art et publia le tout premier livre de peintre de l’histoire…
Passionné par son activité d’éditeur, Vollard y investit les bénéfices générés par le négoce plus lucratif des toiles des maîtres modernes. Pour ces livres de grand luxe, il s’implique dans le choix de papiers spéciaux, des recherches typographiques, des imprimeurs… Un volet particulièrement inédit de l’exposition est consacré aux activités d’Henri Petiet (1894-1980), le marchand qui racheta le fonds d'estampes de la galerie Vollard à la fin de la guerre. Il fut aussi un découvreur de talents et un soutien pour des personnalités aussi diverses que Jean‑Émile Laboureur, André Dunoyer de Segonzac, Aristide Maillol ou Marie Laurencin. La mise en valeur de la figure centrale d’Henri Petiet bénéficie de recherches et découvertes récentes qui apportent un éclairage inédit sur cette question du marché de l’estampe française au XXe siècle.
Des démonstrations de tirages de gravure sur la presse taille-douce de l’Imprimerie nationale sont proposées durant toute la durée de l’exposition. Un conférence sur « Ambroise Vollard, éditeur de livres de peintre » donnée par Pascal Fulacher, directeur de l’atelier du Livre d’art et de l’Estampe et docteur en art et sciences de l’art, est également programmée le 1er juin.

Pour toutes informations sur l’exposition, les démonstrations et les conférences consulter le site www.petitpalais.paris.fr

Consulter également le mini-site dédié à l’exposition pour créer et partager sa propre édition limitée d’un texte de son choix avec des motifs ornementaux et des caractères historiques tels que le Didot, le Plantin, le Baskerville, l’Elzevir, le Garamont ou le Romain du roi (Grandjean), ces deux derniers provenant des fontes de l’Imprimerie nationale : www.expoeditionlimitee.paris.fr


Anatomie d’un livre d’artiste à Douai

Cette exposition organisée du 3 au 28 mai à l’École d’art de Douai, par l’atelier du Livre d’art et de l’Estampe plonge le visiteur au cœur du processus de création et de la fabrication d’un livre d’artiste pour en faire percevoir tout autant l’infinité de choix à disposition de leurs auteurs, que la singularité de mise en œuvre pour ce genre d’édition. Ce parcours didactique s’appuie sur le « séquençage » d’un ouvrage réalisé à l’atelier : Le Cantique des oiseaux, ouvrage récompensé du Prix Jean Lurçat 2019 attribué par l’Académie des Beaux-Arts. Ce livre se présente sous la forme d’un coffret composé de sept poèmes de Farid Od-Dîn ‘Attâr illustrés des gravures de Sylvie Abélanet. Le parcours de l’exposition est ponctué de plusieurs étapes depuis la conception de l’ouvrage par l’artiste jusqu’à la réalisation de son coffret en passant par le choix du caractère et du papier, la mise en page et la mise en livre, la composition et l’impression typographique, le tirage des gravures.

Une rencontre avec l’artiste est proposée le 27 mai de 18h à 20h.
Pour tous renseignements sur l’exposition et la programmation consultez le site de l’École d’art de Douai : www.ecole-art-douai.com


Prochains ateliers organisés à Villers-Cotterêts

Dans notre précédente Lettre d’information, nous vous annoncions une nouvelle programmation d’ateliers pédagogiques autour de la typographie et du livre d’art organisés dans le cadre de notre partenariat avec le Centre des monuments nationaux chargé de la mise en place de la Cité internationale de la langue française qui ouvrira ses portes en 2022 dans l’enceinte du château de Villers-Cotterêts. Les premiers ateliers n’ayant pu avoir lieu en raison de la crise sanitaire, l’atelier du Livre d’art et de l’Estampe reprend la programmation de ces ateliers à raison d’un samedi par mois à partir du mois de juin. Chacun de ces ateliers sera consacré à un savoir-faire particulier : la conception d’un caractère, la gravure d’un poinçon, la fonte d’un caractère, la composition, la correction et l’impression typographiques, la reliure feront ainsi l’objet de démonstrations par les maîtres d’art et artisans de l’atelier du Livre d’art de l’Imprimerie nationale.

Pour tous renseignements sur la programmation des prochains ateliers, consultez le site : www.chateau-villers-cotterets.fr


Congrès annuel de l’AEPM à Offenbach

Organisé conjointement par le Musée Klingspor et le Musée d’histoire locale d’Offenbach, du 20 au 22 mai 2021, le 11e Congrès de l’Association of European Printing Museums (AEPM) sera proposé cette année sous forme de conférences en ligne via Zoom.
Dans le prolongement des thèmes développés lors des récentes conférences de l’AEPM, le présent congrès qui a pour titre « Imprimer à Offenbach : l’art d’un métier et du métier dans l’art », portera sur la situation géographique et urbaine ainsi que sur les conditions sociales dans lesquelles les imprimeurs et l’imprimerie ont évolué notamment dans cette région Rhin-Main. De Mayence à Francfort et d’Offenbach à Darmstadt, nous prendrons ainsi la mesure de ce que la région a apporté au développement de la typographie et des arts graphiques.
La ville d’Offenbach a en effet accueilli les premières impressions de textes hébreux au XVIIIe siècle tandis qu’Aloys Senefelder y a inventé sa technique révolutionnaire d’impression lithographique tout en donnant un nouvel élan à l’impression musicale. C’est aussi à Offenbach que les frères Karl et Wilhelm Klingspor ont développé la typographie dans ses dimensions artistiques. Souligner la permanence d’une tradition séculaire en matière d’imprimerie dans la région d’Offenbach sera également au centre des débats.
Parmi les conférences proposées, mentionnons celle de Eva Hanebutt-Benz, chercheuse et directrice du Musée Gutenberg de Mayence, qui retracera l’histoire de l’imprimerie le long du Rhin et du Main, celle de Joseph Belletante, directeur du musée de l’Imprimerie de Lyon, qui présentera plusieurs protagonistes du graphisme français et polonais, Françoise Despalles et Johannes Strugalla présenteront leur maison d’édition Despalles éditions (Paris et Mayence) à l’origine de la publication de nombreux livres d’artiste, Walter Raffelli et Anton Würth feront la part belle à la lithographie qu’ils pratiquent en tant qu’artistes et éditeurs, celle de Christina Wildgrube, jeune artiste installé à Leipzig, qui utilise les caractères en plomb des typographes pour ses créations visuelles d’une totale modernité.
Visites et rencontres virtuelles sont également au programme de ce Congrès. Sera ainsi présenté un nouvel atelier d’impression à Offenbach, dû à un partenariat entre les musées d’Offenbach qui possèdent d’importantes collections d’estampes, et la Fondation Senefelder. Cet atelier vise à rendre accessibles les techniques d’impression traditionnelles, tant aux professionnels qu’aux amateurs, aux jeunes et aux adultes. Il est en outre prévu une rencontre avec le célèbre fabricant de presses offset à feuilles ManRoland Sheetfed qui fête cette année son 150e anniversaire. Des visites seront enfin proposées dans des musées et des ateliers d’artiste qui ont recours à la typographie et plus généralement aux différentes techniques d’impression traditionnelles. La médiation et l’éducation artistique en vue d’initier les jeunes à l’univers de l’imprimerie, développées par la ville d’Offenbach depuis plusieurs années, seront aussi abordées.

Informations et inscriptions : www.aepm.eu


L’atelier du Livre d’art, membre fondateur de l’IAPM

C’est à l’issue d’un premier congrès international organisée en 2016 lors du Jikji Festival à Cheongju en République de Corée qui a réuni plus de 47 institutions et spécialistes de 21 pays, dont l’Imprimerie nationale de France, qu’il a été décidé de fonder une association internationale destinée à rassembler des musées de l’imprimerie et des spécialistes du patrimoine typographique. L’année suivante, en 2017, un groupe de travail a jeté les bases de l’International association of printing museums (IAPM) qui a été officiellement créée le 30 août 2018 et a reçu ses membres lors de la première Assemblée générale qui s’est tenue le 1er octobre de la même année. Cette réunion a réuni quelque 80 délégués internationaux, dont des représentants de 20 pays à travers le monde. Cette association s’est donné pour objectif de promouvoir et de soutenir des musées de l’imprimerie et autres institutions similaires, de soutenir la culture, l’histoire et le patrimoine de l’imprimerie, de contribuer à la mise en réseau entre musées et spécialistes. Dans ce cadre, l’IAPM s’engage à participer et à parrainer divers projets scientifiques, éducatifs et culturels liés à la culture, à l’histoire et au patrimoine de l’imprimerie, à faciliter les échanges d’informations, la collaboration et la coordination entre ses différents membres, à publier ou participer à la publication d’ouvrages et documents consacrés à l’imprimerie et à son histoire.

www.theiapm.net


Sur les presses de l’Atelier du Livre d’art et de l’Estampe

Eloges insolites de Daniel Thierry.

Vingt nouvelles imaginées par Daniel Thierry à la manière d’un voyage amoureux et d’une ode aux femmes. Ces dix nouvelles sont illustrées par Marcella Barcelo et les dix autres par Anatoly Stolnikoff. Les vingt in-folio présentent chacun le titre et sa nouvelle et, contrecollée en belle page, une reproduction des œuvres. L’ensemble est présenté sous couverture. Les dessins ont été reproduits par impression pigmentaire sur papier Awagami Bambou 170g par l’Atetier3dixièmes à Cluny. Les textes ont été fondus en monotype en Gauthier corps 12 et imprimés sur les presses de l’atelier du Livre d’art et de l’Estampe de l’Imprimerie nationale. Il a été tiré de ce recueil 100 exemplaires sur papier Rivoli 240g et 1 exemplaire contenant les dessins originaux sur papier BFK Rives. Achevé d’imprimer en février 2021.

Le gardeur de troupeaux aux éditions Léal-Torres.

Recueil fondamental d’Alberto Caeiro – principal hétéronyme de Fernando Pessoa –, Le Gardeur de troupeaux est un chef-d’œuvre de poésie écrit en portugais au début du XXe siècle. Cette édition limitée propose une nouvelle traduction française inédite de Patrick Quillier, traducteur d'une anthologie de Fernando Pessoa dans la « Bibliothèque de la Pléiade ». Les quarante-neuf poèmes en vers libres composés à la main en Garamont, l’un des caractères historiques de l’Imprimerie nationale, sont enlacés d’une dizaine d’aquarelles originales de Gérard Traquandi. Ces illustrations réalisées au fil de la lecture du peintre font de chaque exemplaire un ouvrage unique dans la tradition des livres de peintres. Relié sous cuir pleine fleur et édité à 30 exemplaires dont 10 hors commerce, chaque exemplaire numéroté et signé est présenté dans une boîte-cadre rembordée en tissu et illustrée d’un dessin de Gérard Traquandi. L’ouvrage a été imprimé sur papier vélin du Moulin du Verger sur les presses de l’atelier du Livre d’art et de l’Estampe de l’Imprimerie nationale en novembre 2020.

Film présentant ce livre sur : https://vimeo.com/490344685t


Impulsion de Mayence : préserver la technologie de Gutenberg

Par cet appel, le Musée Gutenberg de Mayence (photo) et la Ville de Mayence souhaitent attirer l'attention sur le risque de perte imminente des techniques traditionnelles d'impression face à la révolution du numérique et demandent la protection complète des technologies de l'impression typographique, de la gravure des poinçons jusqu'à l'impression sur presse.
Cet appel s'adresse à tous les citoyens, experts, comités, artisans, associations et institutions se sentant concernés par cette problématique. Les mesures proposées concernent, entre autres, la formation et la transmission de ce patrimoine culturel, le développement quantitatif des formations dédiées aux procédés d'impression artistique et l'ancrage de l'histoire de l'imprimerie et des médias dans les cursus scolaires.
Pour prendre connaissance de l’intégralité du texte de cet appel et apporter votre soutien à cette initiative : www.gutenberg-museum.de


Renaissance de l’atelier typographique de l’IFAO au Caire

Dans l’atelier typographique de l’Institut français d’archéologie orientale (IFAO) implanté depuis 1907 dans le prestigieux Palais Mounira au Caire, ont été fondus récemment des caractères hiéroglyphiques en plomb sur une fondeuse de marque Foucher, la plus ancienne fondeuse mécanique de caractères mise au point en 1888 et sur laquelle a été créée cette fonte particulière qui a permis de produire plus de 7 000 caractères dès 1907. Une première pour cet atelier qui n’avait pas fondu de caractères sur cette machine depuis une trentaine d’années. « On a réussi à la redémarrer en septembre [dernier] après plusieurs réparations et l’acquisition de pièces qui étaient défaillantes », explique Mathieu Gousse, responsable du pôle édition de l’Institut. Le premier caractère, refondu puis réimprimé pour la circonstance, a été une croix de vie égyptienne. Pour les besoins du projet, l’Institut a fait appel à son ancien opérateur, Hossam Saad, 63 ans, qui est désormais chargé de former de jeunes ouvriers. « Nous sommes à un moment charnière. (...) C’est le moment où l’on va pouvoir transmettre les connaissances, un savoir-faire à une plus jeune génération », assure M. Gousse qui ajoute que « outre la dimension patrimoniale, le projet permettra aussi d'initier un travail avec des calligraphes ou des professionnels du livre, éventuellement des artistes pour des petites impressions, à l'aide du système typographique ». Le directeur de l’Ifao, l'égyptologue Laurent Coulon, voit pour sa part dans ce projet de remise en marche de cette fondeuse et de l'atelier typographique une façon de « conserver toute cette histoire de l'égyptologie qui s'est créée avec l'Institut et avec l'imprimerie ». Par ailleurs, nombre de chercheurs sont attachés aux hiéroglyphes entièrement noirs imprimés au plomb, qui se distinguent de ceux, évidés, des publications modernes. Fondé en 1880, l’Institut français d’archéologie orientale permet aux chercheurs d’étudier les civilisations égyptiennes à travers l’archéologie, l’histoire ou encore la philologie, et dirige encore aujourd’hui 35 chantiers de fouille en Égypte, tout en continuant à publier les travaux de ses chercheurs. Sa bibliothèque et ses quelque 92.000 volumes est une référence dans le monde de l’égyptologie. Son imprimerie est quant à elle essentiellement dédiée aux publications de l’Institut. Plus d’un siècle plus tard, cette imprimerie œuvre toujours au service des publications d’archéologie, d’Égyptologie et de l’histoire. Celle-ci s’est adaptée et modernisée au fil des décennies en passant du plomb à l’offset et de l’offset au numérique. Son atelier typographique en sommeil depuis 1992, équipé de bien d’autres matériels d’imprimerie traditionnelle, telle qu’une fondeuse-composeuse Monotype ou une presse à platine, a ainsi été remis en marche, une fois par semaine, faisant figure de curiosité dans la capitale égyptienne.


La première typographie en écriture inclusive

Le Prix Art Humanité 2020 de la Croix-Rouge, qui récompense depuis 2015 des projets conjuguant engagement humanitaire et élan artistique, a été décerné le 15 octobre dernier à Tristan Bartolini, étudiant à la HEAD (Haute école d'art et de design de Genève) pour son projet de police de caractère inclusive baptisé "L'inclusif-ve". « L'idée m'est tombée du ciel. Il y avait beaucoup de débats autour de l'écriture épicène. Elle devenait de plus en plus fréquente dans les documents administratifs, les publicités. Je me suis dit que ce n'était pas qu'une affaire de linguistes, que l'on pouvait amener des solutions graphiques », a confié le jeune étudiant à La Tribune de Genève. L'étudiant a ainsi conçu de nouveaux signes typographiques composés de lettres mêlant des terminaisons masculines et féminines. De la même manière que le O et le E forment le Œ, il a ainsi inventé plus de 40 caractères typographiques non genrés. Chez les détracteurs de l'écriture inclusive, l'argument de son aspect "illisible" est souvent évoqué. Bien qu'il ne s'agisse que d'une façon parmi d'autres de faire usage de l'écriture inclusive, celle-ci permet en effet d'utiliser le "point médian" afin d'employer en même temps le masculin et le féminin dans le même mot, par exemple "candidat·e·s à la présidentielle". Mais avec ce nouveau système, plus besoin de point médian pour signifier l'inclusivité. Tristan Bartolini espère que ce projet n'est qu'un début. Aux typographes maintenant de s'en emparer.


De l’importance du registre dans l’impression de qualité

Le Désert de Bièvres de Georges Duhamel (1937), cinquième volume de sa passionnante Chronique des Pasquier, raconte l’expérience phalanstérienne d’un groupe de sept écrivains et artistes dans leur tout nouvel atelier d’imprimerie. C’est la transposition romanesque de l’histoire de l’« Abbaye de Créteil » qu’avaient fondée l’auteur et ses compagnons en 1906 pour fuir l’utilitarisme de l’époque. Ne connaissant absolument rien aux métiers du livre, les jeunes gens s’émerveillent devant le matériel qu’ils reçoivent, cette presse « Minerve » à pédale, ces casses, composteurs, formes, galées, expliqués tour à tour par l’ouvrier typographe. « Soulevés d’ardeur », ils apprennent vite et se voient « béants d’orgueil » en imprimant leurs épreuves.

Leur premier client sera le marquis de Fonfreyde, poète un peu ridicule mais bibliophile, caricature littéraire de l’excentrique Robert de Montesquiou (1855-1921). Lorsqu’ils ont réussi à composer puis tirer trois feuilles de son recueil de poésies, l’un d’entre eux s’en va fièrement les porter à l’auteur… Le verdict a de quoi les refroidir : « travail fort grossier », juge le client, parce qu’il y avait des fautes, une mauvaise mise en pages et que « les lignes, par transparence, ne se superposaient pas » !

Voilà une chose dont ces intellectuels n’avaient certainement jamais entendu parler, la nécessité de superposer les lignes du recto et celles du verso, ce qu’on appelle « registre » dans le monde de l’imprimerie ! On doute que ces grands liseurs se soient un jour interrogés sur l’envers de la page qu’ils lisent, au moment où ils la lisent; ils doivent dévorer chaque page une à une. Or, par cette déconvenue, ils vont peut-être découvrir que les choses ne sont pas si simples, qu’il y a des possibilités d’obtenir un meilleur confort de lecture pour donner toutes ses chances à un texte.

Avec un papier de fort grammage, pas d’inquiétude pour le registre, aucun défaut de superposition ne peut se voir. Et sur un papier moins épais, la plupart des lecteurs, même avertis, ne font pas attention d’habitude à ce problème. Ils n’ont pas de raison a priori d’examiner chaque page devant le soleil. Mais il faut toujours prévoir le cas où le lecteur, changeant de position, tournant brusquement les feuillets, reçoit en un instant un vif éclairage qui lui montre un flagrant défaut de registre. Dès lors, c’est la catastrophe, il risque d’être dérangé par ces lignes parasites, de l’autre côté du papier, qui débordent de deux ou trois millimètres, en haut ou en bas, à gauche ou à droite, par rapport aux lignes du recto. Et même s’il ne les voit pas en permanence, il y pense sans cesse, maudit ce travail de sagouin ; sa lecture est gâchée.

C’est pourquoi le technicien doit bien vérifier à la table lumineuse la superposition des titres courants, des lignes intérieures, des folios de pied, des bords verticaux, tout en sachant que le remède est parfois pire que le mal. En effet, il n’est pas toujours facile de contrôler cette matière vivante qu’est le plomb ; « faire un mouvement », c’est-à-dire ajouter du blanc de tel côté pour pousser le texte et éviter un travers, ou bien trop serrer la forme, tout cela peut créer ailleurs un décalage inverse.

Quelquefois le texte ne se prête pas au registre. Pour des aphorismes, par exemple, le typographe soucieux de ne pas morceler ces petites unités, qu’il veut donner à lire complètes sur chaque page, doit jouer sur les blancs qui les séparent, ajouter ou enlever une demi-ligne, trois quarts de ligne, etc. On ne cherche alors le registre que pour la ligne du haut et la ligne du bas.

Mais d’une façon générale, dans les respirations de la prose ou entre des strophes, il vaut mieux calculer des blancs d’une hauteur équivalente à des multiples de lignes et non des blancs aux mesures bâtardes. C’est dire que le registre se prépare en amont, qu’on doit composer une page en pensant à celle de l’autre côté. C’est sur le premier côté à tirer, le verso le plus souvent, qu’il faut être très attentif au placement des compositions, au respect des cotes (blancs de tête ou de petit fond). Car le recto devra impérativement se superposer au verso, même si le placement de celui-ci est fautif. Si l’on n’a pas vu au verso qu’un folio était décentré, on sera peut-être obligé de décentrer légèrement le folio du recto. Il arrive aussi qu’il y ait des erreurs d’interlignage – un point de trop ou de moins une seule fois dans un paragraphe ! – qui se voient mal au verso et qui ont des conséquences fâcheuses au recto.

(Et ne parlons pas de l’outil informatique, avec ses extraordinaires pouvoirs de réduire ou augmenter imperceptiblement les interlignes pour construire la mise en pages, éviter les lignes courtes mal placées, ces fameuses « veuves » et « orphelines », à tel point que la notion de registre risque de se perdre complètement dans l’imprimerie moderne !)

En cas de difficultés, il faut réfléchir à ce qui est le plus important pour le lecteur : la parfaite transparence avec la page cachée ou l’harmonie visuelle de la double page qui est devant les yeux, qui exige la symétrie, l’alignement de gauche à droite ? Il est parfois légitime de renoncer au registre s’il entraîne des défauts plus graves que son absence.

Ces dérogations exceptionnelles ne doivent pourtant pas faire oublier le principe qui justifie la superposition des lignes : offrir un parallélépipède bien net, quand il s’agit de prose, ou une masse cohérente, pour la poésie, afin que l’essentiel du texte parle d’une seule voix (à moins d’une intention ludique de l’auteur ou artiste) et qu’on n’ait pas l’impression, comme à la radio, d’un message brouillé par des interférences.

(Didier Barrière)