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30/07/2023 - La Voix du Nord
Le cabinet des poinçons, le trésor de l’Atelier du Livre d’Art

Nous vous emmenons à la découverte de l’Atelier du Livre d’Art et de l’estampe de l’Imprimerie nationale à Flers-en-Escrebieux. Zoom aujourd’hui sur le cabinet des poinçons, pièces prestigieuses classées monuments historiques.

Dans l’atelier, encore en production, où sont imprimés deux livres d’artistes de prestige chaque année, ce sont des passionnés de l’histoire de l’écriture typographique qui s’activent. Des gardiens d’un joyau national et d’un savoir-faire exceptionnel. Pour vous parler de la réalisation artisanale d’un livre imprimé, il faut évidemment commencer par le début de la chaîne. La première opération est la fabrication d’un poinçon, gravé à la main, qui reprend précisément le dessin des caractères.

Un savoir-faire rare

La gravure de poinçon est un savoir-faire rare dont l’Imprimerie nationale était le dernier refuge jusqu’en 2021, date de départ pour des raisons personnelles d’Annie Bocel, jeune élève qui avait été formée par la maître d’art Nelly Gable, partie depuis à la retraite. Ils ne seraient que cinq au monde à l’exercer. Après une formation sans relâche de cinq ans pour apprendre le métier de Gutenberg, elle était devenue la spécialiste de ces pièces, classées aux monuments historiques. « Nous sommes en cours de recrutement pour former un nouvel élève et conserver ce savoir-faire », précise la directrice de l’Atelier Marie Manuel de Condinguy, bien consciente que ce trésor pourrait disparaître. Mais qu’est-ce donc que ce poinçon surveillé comme le lait sur le feu ? À Flers, l’Imprimerie nationale possède une collection inestimable, le cabinet des poinçons, dont les plus anciennes pièces remontent à l’époque de François Ier (1538), les Grecs du Roi créés par Claude Garamont. Au fil des époques et des rois, des typographies et des styles différents ont été créés. « Louis XIV, Louis XV ou encore Napoléon Ier se sont fait fabriquer leurs caractères, explique Frédéric Lepetz, responsable de l’atelier. C’était une façon d’asseoir leur pouvoir car avoir la possibilité d’imprimer était ce que l’on pouvait faire de mieux à l’époque pour diffuser sa pensée. »

« Pour graver un ensemble de caractères, il faut environ une dizaine d’années donc on ne le fait plus mais on les entretient. »

Sept caractères latins

Le poinçon sera ensuite durci pour venir frapper un bloc de cuivre et obtenir une matrice, un moule en quelque sorte. La lettre pourra ainsi être fondue à l’infini… « Pour graver un ensemble de caractères, il faut environ une dizaine d’années donc on ne le fait plus mais on les entretient ou on crée une lettre pour des commandes spécifiques. » Sept caractères latins ainsi que des caractères orientaux, représentant plus de 65 écritures au monde, sont exclusifs à l’Imprimerie nationale. Un trésor vous dit-on !

L’Imprimerie nationale possède une collection inestimable, le cabinet des poinçons, dont les plus anciennes pièces remontent à l’époque de François Ier (1538). PHOTOS LUDOVIC MAILLARD
En 2019, nous avions rencontré Annie Bocel, graveuse de poinçons. Partie pour motifs personnels, elle laisse l’Atelier orphelin d’un savoir-faire rare. PHOTO ARCHIVES LUDOVIC MAILLARD