Nous vous emmenons à la découverte d’amoureux de la lettre qui perpétuent des techniques ancestrales à l’Atelier du Livre d’Art et de l’estampe de l’Imprimerie nationale, à Flers-en-Escrebieux. Zoom aujourd’hui sur le métier de compositeur-typographe.
L’Atelier du Livre d’Art et de l’estampe n’est pas seulement un musée, mais encore une des rares chaînes de production graphique au monde. Chaque année, deux livres d’artistes de prestige sont imprimés avec ce patrimoine historique.
Parmi les corps de métiers mobilisés pour fabriquer un livre, il y a le compositeur-typographe. Frédéric Lepetz, également responsable de l’atelier, est celui qui met en musique cette partition de lettres. Un savoir-faire qu’il exerce depuis dix ans maintenant après une formation de trois ans. « J’ai été offsettiste durant dix ans à l’Imprimerie nationale, mais j’ai toujours été passionné par la typographie », explique-t-il.
Un « Petit Prince » en touareg
En l’observant, ce qui frappe est sa dextérité. Comment fait-il pour se repérer dans cette foultitude de lettres ? Pour composer un livre, Frédéric Lepetz remplit sa casse de caractères en plomb qui ont été fondus en amont dans l’atelier. Il peut utiliser plusieurs centaines de milliers de caractères couvrant les alphabets de toutes les civilisations humaines anciennes et contemporaines depuis le début de l’écriture. De fait, sept caractères latins, ainsi que des caractères orientaux représentant plus de 65 écritures au monde sont exclusifs à l’Imprimerie nationale. Il peut ainsi assembler des hiéroglyphes, des idéogrammes chinois, de l’hébreu, du tibétain, de l’arabe…
« Nous avons par exemple une édition du "Petit Prince" en touareg. Il y a d’ailleurs quelques années, le Maroc a voulu enseigner le tifinagh à l’école. Ils ont dû prendre contact avec l’Imprimerie nationale car nous sommes les seuls à avoir l’alphabet complet du tifinagh. »
Lettre par lettre
Mais revenons face à la casse, cette boîte à compartiments qui contient des lettres, dans laquelle les mains de Frédéric Lepetz piochent rapidement chaque signe. Autant dire qu’il ne vaut mieux pas faire tomber la boîte !
Il va ensuite insérer chaque lettre l’une après l’autre dans un composteur, une sorte de réglette, pour composer ses lignes. « Le hiéroglyphe est une des écritures les plus complexes. Je suis capable de le composer, mais pas de le traduire. »
Les lignes sont ensuite posées sur une plaque à épreuve qui va être vérifiée caractère par caractère. Le premier tirage est ensuite apporté à un correcteur typographe.
L’exercice se corse encore lors de la correction puisque les lettres sont changées une par une avec une pince.
Enfin, l’épreuve sera à nouveau imprimée pour obtenir le bon à tirer. Reste ensuite la mise en page, encore une technique bien particulière où il faudra aussi s’assurer qu’aucun caractère ne chute sous peine de recommencer. On est loin de la numérisation…