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01/12/2019 - Art et Métiers du Livre
Sylvie Abélanet et le Cantique des oiseaux.

Deux éditions bibliophiliques du Cantique des oiseaux donnent à (re)lire ce classique de la littérature persane dans une traduction récente accompagnée de gravures à l’eau-forte de Sylvie Abélanet. L’une aux éditions Qupé, assortie d’une édition courante, l’autre à l’Imprimerie nationale.

Le Cantique des oiseaux est un poème mystique écrit en persan au XIIe siècle par Farîd od-dîn ‘Attâr. L’auteur raconte la quête des oiseaux partis sous la conduite d’une huppe à la recherche de Sîmorgh, manifestation visible du Divin. Sept poèmes ont été retenus ici, correspondant aux sept vallées qu’ils doivent traverser : la vallée du Désir, de l’Amour, de la Connaissance, de la Plénitude, de l’Unicité, de la Perplexité, du Dénuement et de l’Anéantissement. Pour Sylvie Abélanet, peintre et graveure reconnue, familière du livre d’artiste, ce récit « représente la recherche du moi profond, l’élévation de l’âme ». Une réfl exion lentement mûrie aboutit à une interprétation imagée très personnelle. Elle a choisi de fi gurer des oiseaux de nos jardins, en vue de susciter une plus grande proximité avec le lecteur occidental, et de placer « des symboles chrétiens dans ce récit soufi , afin de proposer une lecture universelle de ce long poème qui évoque une quête spirituelle plus qu’une démarche religieuse au sens strict ». Ainsi, sur l’estampe de la vallée de la Connaissance, représente-t-elle deux rouges-gorges, oiseaux investis d’un esprit compassionnel : le rouge serait dû au contact du volatile avec le sang du Christ sur le mont Golgotha. Pour la version des éditions Qupé, Sylvie Abélanet a élaboré une suite de sept gravures sur zinc, chacune reproduite en regard du texte traduit en français par Leili Anvar ; des détails de ces gravures sont également reproduits, ainsi que sept « cages-reliquaires », oeuvres mettant en scène les matrices de zinc placées dans des sortes de boîtes réalisées par l’artiste en noyer et cordes d’acier : « Ces espaces clos symbolisent notre paysage intérieur », ajoute-t-elle. Le graphiste a d’ailleurs repris par endroits, de manière stylisée et épurée, le dessin de ces cages. Figure aussi la suite d’eaux-fortes à l’aquatinte sur cuivre aux noirs profonds et blancs très purs qu’a retenue l’Imprimerie nationale pour sa propre édition bibliophilique. Cet ouvrage-ci est bilingue : il présente sur ses pages conçues en triptyque le texte français, composé en Luce, caractère exclusif de l’Imprimerie nationale, et celui en persan composé en Dabi, caractère créé et numérisé par Franck Jalleau, d’après l’arabe d’Avicenne gravé par Robert Granjon dont les poinçons sont conservés à l’Imprimerie nationale. L’estampe étant placée en majesté au centre du triptyque, les rabats doivent être déployés pour assister à la rencontre des trois éléments : estampe, langue française, langue arabe, qui se mêlent en un souffl e emportant le lecteur au coeur de ces vallées pour un voyage spirituel et esthétique.